Catherine Stoll-Simon, DOUZ Nomade je suis…(en français) et Noureddine Bettaieb, DOUZ ala khouta toufoulati… (En arabe, traduction du titre : Douz sur les pas de mon enfance…) Ed. Sahar, novembre 2010 56p et 51p. Prix 10d/10euros.

 

Ce livre propose deux textes courts, l’un en arabe, l’autre en français. Le premier est rédigé par Noureddine Bettaïeb, le second par Catherine Stoll- Simon.

 

 

Les deux auteurs évoquent Douz, le sud tunisien, le Sahara. Tous deux disent leur passion pour cette région dans une écriture poétique qui transmet impressions, scènes du bled et tableaux. Mise en regard de deux langues, mais aussi de deux types d’expression : l’écriture et l’image. Ce livre contient 47 photographies dont l’éditeur a omis de mentionner l’origine. Par qui sont-elles prises ? Sont-elles anciennes ou récentes ? Questions sans réponses mais qui n’entament en rien la beauté du désert, des oasis et de leurs habitants. Si l’éditeur n’a pas jugé utile de présenter Catherine Stoll-Simon, celle-ci n’a pas manqué pas de le faire d’une façon oblique, comme en témoignent ces lignes : « Le Sahara et Douz, sa sentinelle millénaire, m’accueillirent d’abord en touriste curieuse, puis en journaliste passionnée, puis en écrivain fervente ».

Noureddine Bettaïeb, quant à lui, est journaliste, écrivain et poète tunisien.

Un havre de paix:

Catherine Stoll-Simon nous propose de lire son aventure bien ancrée dans un espace géographique : le sud tunisien. Pour ce qui est des faits, le texte est sélectif. Il dit la fascination qu’exerce cet espace sur l’auteure au point que tout est perçu par elle comme à travers une vision quasi onirique. Mieux encore, les lieux procurent un sentiment de sécurité, de bien-être, voire de communion engendrée par la capacité des gens du sud tunisien à abolir les frontières et à accueillir toute personne étrangère qui foule leur terre comme un membre de la fratrie humaine. Stoll-Simon laisse percevoir, en filigrane de son écriture, une ferme conviction que c’est le Sahara qui l’a appelée, elle, fatiguée du train de vie mené en Europe. Elle rapporte comment elle a été adoptée par les habitants de la région comme elle rapporte une anecdote lourde de significations pour un Tunisien. Elle raconte, comme un miracle, le fait qu’elle n’ait pas été piquée par un scorpion qui se trouvait pratiquement sous ses pieds nus et ajoute : « Étrangement, de ce jour, je me suis sentie protégée sur cette terre du sud tunisien ». Stoll-Simon savait-elle que chez nous, on dit que le scorpion est un envoyé de la providence et qu’il ne pique que ceux que le destin pointe du doigt. En tout cas, elle a su lire l’incident comme un signe. L’auteure, qui s’exprime à la première personne, a su transmettre avec une certaine fraîcheur son aventure avec Douz et ses habitants. Son écriture témoigne de l’effet des charmes des lieux sur son être.

Enracinements comme condition d’ouverture:

Noureddine Bettaïeb est originaire de Douz qu’il avait quittée sans remords pour poursuivre ses études universitaires dans la capitale. L’attrait de Tunis et sa vie colorée lui ont fait oublier sa région natale toute de routine. Mais Douz s’est éveillée en lui et il a réalisé combien il lui appartenait. Dans son texte, on peut lire ce précieux amalgame entre l’appartenance à un espace géographique et l’enracinement dû aux liens ancestraux. Un attachement qui ramène à la surface du récit, oncles, tantes et autres personnages familiers hauts en couleurs qui ont marqué l’enfance de l’auteur. Celui-ci insiste sur les changements opérés dans sa région natale grâce au célèbre festival qui se tient chaque année et qui a gagné une audience internationale. Aussi est-ce pour cette raison sans doute qu’une grande partie du texte est consacrée au « festival de Douz », à son impact sur la région. Cependant, la lecture de cette manifestation culturelle dont l’objectif est de proposer à son public « un spectacle de la vie quotidienne des hommes du Sahara » épouse un langage à la fois lyrique et riche d’émotions. On peut même y lire non une fierté mais une sorte d’admiration, voire d’émerveillement face à ce type de relation qui s’établit entre les hommes se retrouvant aux portes du Sahara. Quelle que soit leur origine, et pour le temps qu’ils restent sur cette terre du sud tunisien, nous dit Bettaïeb, les hommes fraternisent.

Deux textes courts, agréables à lire. Deux récits écrits à la première personne. Deux itinéraires que raccorde Douz. Ce havre de paix nous rappelle, à travers son appel, que la terre est à celui qui sait l’aimer.

Yosr Blaïech