Flaubert à Tunis, 150è anniversaire de Salammbô,  Actes du colloque international, organisé 24-25avril 2009,   Publications de l’Ecole Normale Supérieure et Editions Sahar, avril 2009, Tunis, 153 pages, prix : 9 dinars, ISBN : 978-9973-28-266-8

 

En juin 1858, Flaubert entreprenait un voyage en Algérie et en Tunisie. En avril 2008, L’Ecole Normale Supérieure de Tunis, associée à d’autres institutions universitaires, organise un colloque sur  Salammbô. Les neuf communications qui composent l’ouvrage sont en fait le fruit d’une double lecture des notes de voyage de Flaubert en Tunisie, d’une part et de Salammbô, d’autre part afin de confronter la réalité des lieux visités à leur mise en fiction.  Cette rencontre scientifique a été agrémentée par des projetions de films documentaires  sur les adaptations de cette oeuvre à l’opéra. Les textes de Pierre Brunel, Arslène Farhat, David Ellison traitent respectivement de la symbolique de la géographie urbaine dans les deux supports.

De vocation plus rhétorique, les autres communications s’intéressent aux procédés  mis en oeuvre par Flaubert pour écrire  la barbarie, l’espace ou encore sa façon de se servir de l’accumulation, de l’hyperbole ou de l’excipit.

 

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                         Hasan Hosni Abdelwahab, Tunisiennes célèbres, traduit par Hasna Bouzouita-Trabelsi, Centre National de Traduction, Cenatra, 2008, Tunis, 185 pages, prix : 20 DT, ISBN : 978-9973084033

 

Ecrit en 1917 et publié en 1934, ce livre est une biographie de  plus d’une vingtaine de Tunisiennes qui marquèrent l’Histoire du pays depuis les temps orageux de la conquête arabe jusqu’au règne de Hammouda Pacha, au début du XIXe siècle. De la Kahéna, la guerrière, à Asma Pacha, la sœur du grand Hammouda, la gamme est si variée et la galerie des figures féminines suffisamment riche pour rappeler le rôle et la place de certaines femmes dont le destin  fut exceptionnel. L’objectif de cette biographie, écrivait déjà l’auteur en 1917, était de «  rassembler les récits éparpillés sur leur vie, de faire leur éloge et de perpétuer leur mémoire, dans l’espoir de recréer la tradition ». Hasan Hosni Abdelwahab est à la mémoire culturelle de la Tunisie ce qu’Ibn Abou Dhiaf fut à son histoire politique. Parce qu’ils constituent des documents précieux sur la « tunisianité » et sa formation à travers les âges, la plupart des ouvrages de cet archiviste hors paire méritent d’être traduits en français et dans bien d’autres langues.

 

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Abdeljabbar El-Euch, Procès d’un chien, roman traduit de l’arabe par Hédi  Khélil, Centre National de Traduction, Cenatra, Tunis, 201 pages, prix : 18 DT, ISBN : 978-9973084002.

   Si le choix du personnage principal dans la race féline peut surprendre le lecteur, le roman ne le déçoit guère. Bien au contraire, les péripéties de son procès nous révèlent non seulement que l’accusé a tous les attributs humains mais encore qu’il s’agit d’un personnage de chez nous. Le «  chien »y  est beaucoup plus qu’un détour métaphorique ou allégorique. « L’esthétique de ce roman, explique Mohamed El Kadhi dans la préface, ne se limite ni à ces chapitres dans lesquels le narrateur endosse l’image du chien, ni au fait qu’il a tiré de ses tréfonds un double qui va meubler sa solitude et partager ses peines, ni non plus à cette mixture d’écriture-fiction et d’écriture-souvenir, ni enfin à ces passages en prose dont suinte la poésie, mais elle est surtout visible dans ce pouvoir de transformer un fait quotidien banal en un mythe aux dimensions symboliques qui fait passer l’auteur, le narrateur et le personnage au stade de la catégorie sociale, de la nation et de l’humanité. ».

  Pour ceux qui ont déjà lu le roman en arabe, ils auront le plaisir de le redécouvrir dans le texte en français,  surtout d’y  reconnaître les mérites d’une traduction magistrale.

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           Alfonso Campisi ; Ifriqiyyâ et Siqilliyyâ : un jumelage méditerranéen, traduit de l’italien au français par Afef Lemkecher, Carthaginoiseries, Tunis, 2009, 216 pages, prix : 19DN, ISBN : 978-9973-704-13-9.

 

           Dans ce petit livre, Alfonso Campisi retrace, à la lumière d’une documentation écrite et iconographique, les liens historiques et culturels qui ont été tissés depuis le règne des Aghlabides entre la Sicile et la Tunisie, appelée jadis Ifriqiyyâ. L’occupation arabe de l’ile dura plus de deux siècles marquant ainsi pour toujours les Siciliens, leur langue et leur territoire.  Soucieux de réactiver la mémoire arabo-sicilienne dans son pays natal, Campisi entend surtout parler de la filiation culturelle au présent. La conquête militaire de naguère n’est qu’un vieux souvenir. Mais les possibilités d’un jumelage multiple entre nos villes respectives et  les chances encore intactes d’un échange culturel   entre  Tunisiens et  Siciliens semblent avoir été la motivation essentielle de Campisi. Ce livre répond, précise-t-il,  à l’attente «  de connaître la culture arabo-islamique, qui fait partie de l’histoire de la Sicile et sa résurgence dans le présent » et au désir «  profond tant chez les arabophones migrants que chez les Siciliens qui souhaitent récupérer, dans sa vérité, cette mémoire de leur passé qui peut impulser un futur fructueux ».

      En plus de la précieuse information historique que ce livre contient, sa traduction, assurée par Afef  Lemkecher, donne à lire surtout le point de vue d’un auteur sicilien qui plaide pour le rétablissement de cette histoire commune afin d’asseoir un devenir méditerranéen commun.

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                   Chedly El Okby, Paysages d’automne, Carthaginoiseries, 2009, Tunis, 108 pages, prix : 15DT, ISBN : 978-9973-704-10-8 

 

   Le dernier texte narratif de Chedly El Okby, intitulé Paysages d’automne, est très hybride. Son auteur y a opté résolument pour une liberté totale  aux niveaux du ton, de la forme et du genre. Les mini-récits qui le composent balancent entre les anecdotes courtes, légères, bien trempées dans un humour très tunisien, et la chronique journalière dans laquelle un narrateur aux aguets consigne des rencontres inédites, décrit des personnages insolites. Moins discontinue que les deux premières sections, la dernière a une vocation autobiographique plus marquée. Le héros, qui relate ses aventures et mésaventures de jeunesse,  partage avec Chedly El Okby bien plus que les initiales de son patronyme. Il s’appelle, en effet, Ched Ok et incarne le jeune Chedly El Okby qu’il fut ; le fugueur invétéré au bon vieux temps de la Médina et l’adolescent révolté à l’heure d’un Tunis encore cosmopolite

 Mais bien plus que les personnages, ce sont les lieux et leur mémoire qui sont à l’origine de ces courts récits, comme si les souvenirs de Tunis, notamment ceux de sa banlieue nord, étaient si variés et si évanescents qu’ils ne supportaient pas la pesanteur d’une narration longue ou suivie. On ne saurait les saisir que dans leur discontinuité et leur extrême fragilité .Ces textes, plus descriptifs que narratifs, se veulent une évocation tendre et nostalgique de Tunis de naguère ; de ses odeurs, de ses clameurs et de ses couleurs. Mais cette évocation est loin d’être ringarde. Paysages d’automne conforte, d’une certaine manière, son auteur dans sa résistance culturelle contre le paysage médiatique d’aujourd’hui dominé sauvagement par les chaînes de télévision cryptées et par les voix minérales et clipées de la Rotana.