Abdelaziz Belkhodja, Amours Mosaïques, Apollonia Editions, 165 pages, Tunis 2005.

La consommation est- elle le signe d’une fausse liberté?

C’est à cette question qu’Abdelaziz Belkhodja a tenté de répondre dans son œuvre Amours Mosaïques, en dénonçant la jouissance trompeuse du faste et du factice.

 

Avec ses trente quatre moments, cette fiction est construite sous forme de dialogues. En effet, à travers les échanges des personnages, nous assistons à la naissance d’un sentiment, puis à l’union ou la fusion de deux êtres, pourtant si différents l’un de l’autre. Tout sépare ce couple : milieu social, différence d’âge, vocation professionnelle.

Mais, comme sous le prisme du mythe d’Androgyne et contrairement à toute logique, sauf peut-être celle de l’impénétrable loi de l’amour, la force de la passion les a réunis. Défiant les conventions et les préjugés de la société tunisienne, voire de la « tribu » tunisoise,  Moncef et  Aïda  ont fait de leur amour un appel à la liberté. En fait, c’est une liberté de l’art et de l’amour que notre auteur préconise. Il construit, en filigrane et parallèlement à l’intrigue amoureuse, l’histoire d’une passion, celle de l’art de la mosaïque.

En nous introduisant dans l’atelier du mosaïste, nous découvrons un univers d’esthète qui épouse la posture d’un dandy des temps modernes. Le personnage de Moncef essaie de contrer le monde des apparences et de l’aisance matérielle dans lequel il vit par le biais de la création artistique. A travers ces brefs échanges intimes et non moins poétiques, Belkhodja nous invite à une belle escapade littéraire qui a pour cadre de beaux lieux enchanteurs comme « la cité antique » ou « le café des nattes de sidi Bou Saïd ».

A l’instar de ses précédents romans, tels Les Cendres de Carthage, Les Etoiles de la colère ou Le Retour de l’éléphant, l’auteur s’applique avec un savoureux entêtement à aborder son thème de prédilection «  la civilisation carthaginoise ». Son objectif est de rendre hommage à cette culture qu’il vénère tant en relatant les légendes du  serment d’Hannibal,   du sacrifice de Didon  et  des noces de Sophonisbe.

Cependant, cette passion un peu trop imposante fait de l’ombre à l’intrigue première de l’œuvre- la relation idéalisée de Moncef et Aïda - qui semble être réduite ainsi à un simple prétexte, en vue de laisser libre cours à une plume qui ne saurait passer sous silence le violon d’Ingres de Belkhodja, ce «fin connaisseur de Carthage ». En effet, en brisant l’écueil des contraintes sociales, Belkhodja fait de ses personnages des figures mythiques qui, loin de nous replonger dans le monde des contingences, nous jettent dans un monde utopique, bercé entre les miroitements d’un passé glorieux et les images excitantes d’un avenir incertain.

Amira Gouider