Parutions 2010
Tahar Bekri, Les dits du Fleuve, (photographies de Joel LEICK), Ed. Al Manar 2009, 75 pages. ISBN : 978-2-913-896-67-3
Composé de 64 chants, le nouveau recueil de Tahar Bekri épouse le mouvement d’un fleuve qui charrie dans son débit à la fois les convulsions du monde et la sagesse de la nature. Cette poésie favorise allègrement l’éclosion des métaphores dans le seul but de discourir sur l’état inquiétant et troublant du monde. A la manière des Vents de Saint John Perse, le Fleuve de T. Bekri avance lui aussi à travers le monde, avant d’atteindre la mer, et croise au fil de sa traversée la grandeur et la petitesse des humains.
C’est dans le partage
Des cimes des montagnes
Que les fleuves reconnaissent
Leurs sources
Leur cours
Comme mélancolie rebelle
Habitée par la panique des poètes (p12)
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Amor Ben Salem : Marouan au pays des Djinns, Editions Sahar, Tunis, 2010, 231 pages. ISBN : 978-9973- 28-292-7
Voilà un roman qui renoue avec la tradition du merveilleux et du fantastique. Mieux encore, et pour gagner les lettres de noblesse d’une bonne littérature populaire, le roman tisse une intime parenté avec l’univers du conte, voire avec celui de Mille et une nuits. C’est ainsi qu’on quitte le quotidien pesant et ennuyeux et on passe sans difficulté du monde des humains à celui des Djinns, grâce à la complicité d’un étrange âne noir Amrouss. Mais attention, le ludisme que suppose cette matière romanesque n’est que l’envers métaphorique de notre réalité prosaïque et non moins en crise.
Hmida Makhlouf, La société de l’image, publié à compte d’auteur. Tunis 2010, 207 pages. ISBN : 978-9973-967-07-7
L’ouvrage propose une radioscopie du statut de l’image et de ses différents usages dans notre société d’aujourd’hui. Selon l’auteur, le développement vertigineux du numérique et celui des technologies de communication sont en nette dissonance avec un contenu indigent, dérisoire et non moins aliénant. L’ouvrage fait donc le procès de l’image. Il dénonce surtout la soif d’enrichissement chez les grands producteurs et diffuseurs qui ont dérogé à la mission première de l’image, à savoir l’éducation et la culture, et l’ont asservie pour amplifier la culture de la vacuité et de la futilité.
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Jaâfar Majed, Muhammed, Le Prophète Homme, traduit par Mohammed Kameleddine Gaha, Académie tunisiennes des sciences et des arts, BeÏt al-Hikma, Carthage 2010, 297 pages, prix en Tunisie : 13 DT, prix à l’étranger : 15 E, ISBN : 978699736496094-0
« Le Prophète est une créature humaine, un homme », telle semble être la devise de Jaâfar Majed dans cette biographie qui se démarque nettement du discours hagiographique. En effet, le biographe, conscient de la nécessité de rétablir aujourd’hui le prophète dans son vécu, cherche à mettre en lumière surtout les traits de l’homme, son intimité et ses rapports aux femmes et épouses qui marquèrent sa vie. Son portrait physique, partiellement esquissé à la fin du livre, se lit comme une tentative de déroger à la tradition narrative ayant toujours occulté la représentation du prophète. Majed recoupe récits et témoignages pour tenter de reconstituer sa physionomie très humaine : « ses cheveux étaient d’un noir prononcé ; les poils blancs parant essentiellement sa barbe et le haut de son front. Il portait un turban noir, notamment pendant les deux fêtes de l’Aïd, dont il laissait pendre le bout sur ses épaules. Ses vêtements étaient de laine et de coton et il portait une chemise à manches courtes. » Mais l’auteur revisite aussi le parcours de Muhammed comme chef militaire et homme d’Etat d’après une documentation savante et suffisamment variée permettant ainsi de rétablir faits et actes dans le quotidien de l’époque.
Si ce livre retient l’attention, ce n’est pas tant par ses sources historiques, ni par les ambitions argumentatives de son auteur. Ce livre nous libère du déjà lu surtout grâce à la beauté de sa narration et à l’originalité de plusieurs récits qui le composent. La prose narrative du poète Jaâfar Majed y est pour quelque chose. Dans sa traduction, le professeur Kamel Gaha a su mettre en évidence ce mariage souvent heureux entre le style de l’écrivain et la rigueur de l’exégète.
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Abdelaziz Belkhodja, La Femme en rouge, Apollonia Editions, 2010, Tunis, 95 pages prix : 10 DT, ISBN : 978-9973-827-50-0
Le nouveau livre d’A. Belkhoja La Femme en rouge est, comme son titre le laisse transparaitre, une histoire d’amour. Mais le lecteur ne tarde pas découvrir que c’est plutôt une aventure de l’amour. Tout part d’une rencontre fortuite comme le hasard seul peut vous en arranger ; les évènements vont se développer de manière désordonnée et chaotique comme s’ils ne pouvaient échapper à l’emprise de l’imprévu. Fait de grands sentiments et de petitesses, de maladresses touchantes et de vraies goujateries, le livre passe en revue différentes situations auxquelles sont soumises deux personnes qui prétendent vivre librement une aventure amoureuse, et qui sont en butte à leurs manques et aux contradictions que leur impose la société.
Mais ce livre présente une autre originalité : il a été écrit à deux mains. L’auteur a voulu y intégrer des commentaires, reçus sur face book, d’une lectrice qui a réagi à une première mouture et qui s’est transformée en co-auteur.
Un livre interactif …
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Mehdi Mabrouk, Voiles et sel : culture, foyers et organisation de la migration clandestine en Tunisie, Editions Sahar, 2010, Tunis, 276 pages, prix : 12 DT ; 15 E, ISBN : 978-9973-28-294-1
Le livre de Mehdi Mabrouk, Voiles et Sel, est une étude sociologique dans laquelle l’auteur se propose de combler un manque dans le champ de l’investigation sociologique concernant le phénomène de la migration clandestine, connue dans nos contrées sous le nom de « Hargua ». En effet, l’auteur constate que si les différentes vagues de migration légale ont fait l’objet d’études nombreuses et variées, la nouvelle forme de ce mouvement migratoire n’a pas fait l’objet d’études, ni n’a été traité de manière biaisée, comme si le sujet était désemparant.
Sous un titre poétique, ce livre présente une étude documentée et circonstanciée du phénomène. Il explore le vécu des clandestins, les réseaux et filières qui les prennent en charge (ou les manipulent), les enjeux politiques dont ils sont l’objet. Mais l’aspect le plus fascinant de ce livre (et qui mérite qu’on y revienne plus longuement) c’est l’étude, par définition provisoire puisque son objet est par trop mouvant, de l’aspect social de cette pratique et de la mythologie paradoxale qui est en train de se construire autour des « harragas ».
Ecrire pour réparer le mal de l'Histoire Mounira Rezgui, Kalilõun Minã Arraghbã (un peu de désir), Editions Sahar, Tunis 2010, 193 pages. ISBN : 9789973282835 L'ouvrage de Mounira Rezgui est à la fois un roman historique et un récit intimiste. Ce choix est dicté par le fait que le destin de l'individu est en corrélation directe avec les événements politiques que traverse le pays. Cette vérité n’est certes pas l'apanage de tel ou tel personnage romanesque, car nul ne peut échapper au poids de son milieu social, culturel ou historique. Le chantier de Noureddine Aloui.Noureddine Aloui, Tafacil saghira, (Menus détails), « Ouyoun al moassara », Sud Edition, 2010,300 pages, prix : 12 D T, ISBN/ 978-9973-844-81-1. Ne faudrait-il pas convenir, réflexion faite, que nos romanciers arabophones ne sont pas légion ? Il est vrai que leur petite communauté s’était enrichie, au cours des dernières décennies, de quelques noms nouveaux qui ont tenu leurs promesses. Mais elle semble avoir connu également d’importantes défections. Qu’est-ce que la tunisianité ? Anouar Attia nous en livre la réponse.Anouar Attia : Tunisie Rhapsodie, Editions Sahar, 2010, 138 pages ISBN : 978-9973-28-296-5 A l’instar de L’Histoire et la Chair, le récent opus d’Anouar Attia, publié à quelques mois seulement de distance, prend lui aussi une forme épistolaire. Le canevas initial est tout à fait comparable : sur la demande de son amie lyonnaise Sylvie, Férid, enseignant à l’Université tunisienne, est prié d’écrire une longue lettre pour parler de lui-même, des secrets de sa famille et de l’histoire de son pays : « c’est une lettre que je veux de toi, une lettre à l’ancienne, longue et réfléchie […], une lettre où tu me diras tout sur toi… ». Voilà le programme et la configuration du récit clairement résumés dès l’incipit. Heureux qui, comme Kindynis,….Laris Kindynis, Djerba, l’île enchantée de mon enfance, Mémoires, m-c éditions, Tunis, 2009, 540 pages, prix : 20 D.T, 24 E, ISBN : 978-9938-807-01-1 Non, Djerba, l’île enchantée de mon enfance n’est pas destiné aux lecteurs pressés : ses quelques quatre cent cinquante pages en dissuaderaient plusieurs. Sans doute aussi en raison de son titre lyrique et de la chronique familiale qui s’étale sur plus d’un siècle. L’auteur a mis sept ans pour l’écrire. C’est, dirait-on, un peu trop !... |